par Roger Gauthier, o.m.i.
Après mûre réflexion, j’ai cru important de rapporter encore une autre apparition de Jésus afin de rassurer les gens qui pourraient douter de son amour en pensant à leurs trahisons passées.
Après avoir vu Jésus bien vivant, nous avions repris courage et nous circulions plus librement dans la population. Encore une fois, Jésus vint nous visiter. C’était une fin de nuit, au bord du lac de Tibériade qui rappelait tant de souvenirs à chacun de nous. Voici comment c’est arrivé.
Pierre était resté nerveux depuis sa trahison dans la cour du grand-prêtre; il n’en avait pas encore reparlé avec Jésus. Quelques-uns parmi nous l’entouraient davantage pour le soutenir : il y avait Thomas (appelé Dydime), Nathanaël (de Cana de Galilée), Jacques et moi, ainsi que deux autres disciples. Or quand montait son malaise, il allait se distraire à la pêche. Un matin, aux premières lueurs, Pierre nous annonça : « Je m’en vais pêcher ». Tous lui dirent : « Nous allons avec toi ». Sans tarder, nous nous rendons au lac de Tibériade et prenons le large. Curieusement, cette fois, presque pas de poisson; notre filet restait désespérément vide. Le matin avançait : toujours rien.
"Jetez vos filets du côté droit de la barque et vous en trouverez"
Regardant vers le rivage, je vis un homme qui nous observait : c’était Jésus, mais nous ne le savions pas. Il nous cria sur le ton du pêcheur qui veut acheter nos prises: « Eh, les enfants, auriez-vous pris un peu de poisson? » « Absolument rien ». Comme s’il connaissait bien le lac, il nous dit : « Jetez vos filets du côté droit de la barque et vous en trouverez ». Pourquoi pas : il n’y avait rien à perdre! Aussitôt que le filet fut à l’eau, il se remplit de tant de poissons que nous n’arrivions pas à le charger dans la barque. Je devinai alors qui était l’homme du bord du lac; j’ai dit à Pierre : « C’est le Seigneur! »
Dès que Pierre m’eut entendu, il ceignit un vêtement, car il était nu, et se jeta à la mer en nageant vers la rive. J’ai eu l’impression qu’il espérait rejoindre Jésus avant nous pour se libérer seul à seul du poids qu’il traînait depuis le soir de la trahison et dont il me parlait souvent. Malheureusement pour lui, nous n’étions pas loin de la rive, à environ une centaine de mètres, de sorte que nous sommes arrivés presque en même temps que lui avec le filet plein de poissons.
En descendant sur la rive, nous avons vu un feu de braise sur lequel Jésus avait disposé un peu de poisson et du pain : il n’y en avait pas assez pour tout le monde, Jésus nous demanda d’aller chercher les poissons que nous venions de prendre. N’ayant pu parler de son problème avec Jésus, Pierre voulut au moins lui montrer par des gestes qu’il l’aimait encore beaucoup. À lui seul, il tira à terre le filet plein de poissons (cent cinquante-trois gros poissons). Nous fumes étonnés de ce que le filet ne se déchira pas avec un poids pareil; étonnés aussi que Pierre puisse le tirer à lui seul!
Puisqu’il s’était fait le cuisinier, Jésus mit quelques poissons de plus à rôtir puis nous invita à déjeuner. Aucun n’avait besoin que Jésus s’identifie : nous étions sûrs que c’était lui. Surtout qu’un geste de lui nous rappela le souvenir merveilleux que nous avions vécu jadis en ce même endroit quand il avait nourri une foule: il nous distribua lui-même du pain et du poisson. Pour nous, c’était la troisième apparition depuis qu’il s’était relevé d’entre les morts.
Mais il n’en resta pas là avant de disparaître. Pendant sa vie terrestre, il avait souvent deviné ce qui nous tracassait. Nous étions certains qu’il avait vu le malaise de Simon Pierre depuis sa trahison. Comme toujours, encore cette fois, il vint au-devant de lui. Le repas terminé, il dit devant tous: « Simon, fils de Jean, est-ce que tu m’aimes plus que ceux-ci? » Nous avons reconnu sa déclaration téméraire du dernier soir « Même si tous tombent à cause de toi, moi, je ne tomberai jamais! » Cette fois, Pierre répondit plus humblement : « Oui, Seigneur tu sais que je t’aime ». Jésus lui répond qu’il est encore prêt à lui faire confiance : « Prends soin de mon troupeau ». Pierre fut réconforté; mais Jésus revint à la charge une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, est-ce que tu m’aimes? » Pierre reprit encore : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime ». Et Jésus renouvela sa confiance : « Je te veux berger pour mon troupeau ». Mais voilà que Jésus recommence une troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu? » Pierre nous a dit plus tard qu’à ce moment, il a ressenti en son cœur la tristesse vécue lors de ses trois trahisons, mais qu’en même temps Jésus l’a libéré du poids qui l’écrasait depuis le fameux soir. En répondant, il insista pour dire à Jésus que lui seul connaissait la qualité de son cœur : « Seigneur, toi qui connais toutes choses, tu sais bien que je t’aime ». En d’autres mots, je t’aime comme tu le sais, toi, et non pas comme je le pense, moi. C’est avec un sourire affectueux que Jésus lui répéta : « Prends soin de mes brebis ».
Et voilà qu’il part marcher sur le bord du lac, seul à seul avec Pierre qui est sorti tellement heureux de cette rencontre qu’il eut besoin de tout me raconter. Jésus lui a parlé d’abord de sa vie future : « Ce que je vais te dire maintenant, tu peux t’y fier, lui dit Jésus. Quand tu étais jeune, tu nouais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais; lorsque tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui nouera ta ceinture et qui te conduira où tu ne voudrais pas. D’ici là, fais-moi confiance je serai avec toi ». Pierre fut profondément touché de cette confiance du Seigneur qui semblait le privilégier parmi ses compagnons alors qu’il se jugeait le plus indigne.
En pensant aux services que je lui avais rendus en toutes sortes d’occasions, et sachant que Jésus m’aimait bien, Pierre aurait voulu me faire profiter de ces moments d’intimité avec Jésus et obtenir quelques indices sur mon avenir. Il m’a dit avoir posé la question : « Et à Jean, Seigneur, que lui arrivera-t-il? » Mais Jésus lui fit une réponse énigmatique : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, tu n’as pas à t’en occuper. Contente-toi de me faire confiance ».
Or à cause de cette dernière parole de Jésus, la rumeur s’est répandue chez plusieurs disciples que je ne mourrais pas. En fait, j’ai dû répéter souvent que Jésus n’avait pas dit que je ne mourrais pas, mais seulement : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne… »
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Source des images: La pêche miraculeuse: images chrétiennes;
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