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Prière > Apprendre à prier > Choix de textes sur la prière > L'école de prière de Benoît XVI

Choix de textes sur la prière

Textes provenant d'auteurs spirituels ou extraits de documents officiels de l'Église

Benoit XVI

Psaume 136 (135),
le "Grand Hallel"

La mémoire de la bonté du Seigneur
fortifie l'espérance

 

Catéchèse de Benoît XVI sur la prière
l'école de prière (*) - no 12

 

...SUITE, P. 2

Libération d'Égypte - marche dans le désert vers le pays de Canaan "Il mena son peuple au désert, car éternel est son amour!"
Notre psaume fait à présent référence à ce chemin, en rappelant par une phrase très brève le long pèlerinage d’Israël vers la terre promise: «Il mena son peuple au désert, car éternel est son amour!» (v. 16). Ces quelques mots contiennent une expérience de quarante ans, un temps décisif pour Israël qui, se laissant guider par le Seigneur, apprend à vivre de la foi, dans l’obéissance et dans la docilité à la loi de Dieu. Ce sont des années difficiles, marquées par la dureté de la vie dans le désert, mais aussi des années heureuses, de confiance dans le Seigneur, de confiance filiale; c’est le temps de la «jeunesse» comme le définit le prophète Jérémie en parlant à Israël, au nom du Seigneur, avec des expressions pleines de tendresse et de nostalgie: «Je me rappelle l'affection de ta jeunesse, l'amour de tes fiançailles, alors que tu marchais derrière moi au désert, dans une terre qui n'est pas ensemencée» (Jr 2, 2). Le Seigneur, comme le pasteur du Psaume 23 que nous avons contemplé dans une catéchèse, a guidé son peuple pendant quarante ans, l’a éduqué et aimé, le conduisant jusqu’à la terre promise, vainquant également les résistances et l’hostilité de peuples ennemis qui voulaient faire obstacle à son chemin de salut (cf. vv. 17-20).

Marche au désert"Il donna leur terre en héritage, car éternel est son amour!"

Dans l’énumération des «grandes merveilles» que notre Psaume énonce, on parvient ainsi au moment du don conclusif, dans l’accomplissement de la promesse divine faite aux pères: «Il donna leur terre en héritage, car éternel est son amour! En héritage à Israël son serviteur, car éternel est son amour!» (vv. 21-22). Dans la célébration de l’amour éternel du Seigneur, on fait à présent mémoire du don de la terre, un don que le peuple doit recevoir sans jamais en prendre possession, vivant continuellement dans une attitude de recueillement reconnaissant et plein de gratitude. Israël reçoit le territoire dans lequel habiter comme «héritage», un terme qui désigne de manière générique la possession d’un bien reçu d’un autre, un droit de propriété qui, de manière spécifique, fait référence au patrimoine paternel. Une des prérogatives de Dieu est de «donner»; et à présent, à la fin du chemin de l’exode, Israël, destinataire du don, comme un fils, entre dans le pays de la promesse accomplie. Le temps du vagabondage, sous les tentes, dans une vie marquée par la précarité, est fini. A présent a commencé le temps heureux de la stabilité, de la joie de construire des maisons, de planter les vignes, de vivre dans la sécurité (cf. Dt 8, 7-13). Mais c’est également le temps de la tentation de l’idolâtrie, de la contamination avec les païens, de l’autosuffisance qui fait oublier l’Origine du don. C’est pourquoi le psalmiste mentionne l’humiliation et les ennemis, une réalité de mort dans laquelle le Seigneur, encore une fois, se révèle comme le Sauveur: «Il se souvint de nous dans notre abaissement, car éternel est son amour! Il nous sauva de la main des oppresseurs, car éternel est son amour!» (vv. 23-24).

Garder en mémoire la bonté
du Seigneur et la puissance
de son amour.
La mémoire devient source d'espérance.

Dès lors se pose la question: comment pouvons-nous faire de ce psaume une prière qui soit nôtre, comment pouvons-nous nous approprier, par notre prière, de ce psaume? Le cadre du psaume est important, au début et à la fin: c’est la création. Nous reviendrons sur ce point: la création comme le grand don de Dieu dont nous vivons, dans lequel il se révèle dans sa bonté et sa grandeur. Et donc, avoir à l’esprit la création comme don de Dieu est un point qui nous est commun à tous. Vient ensuite l’histoire du salut. Naturellement nous pouvons dire: cette libération de l’Egypte, le temps du désert, l’entrée en Terre Sainte puis les autres problèmes, sont très loin de nous, ils n’appartiennent pas à notre histoire. Mais nous devons être attentifs à la structure fondamentale de cette prière. La structure fondamentale est qu’Israël se rappelle de la bonté du Seigneur. Dans cette histoire, il y a beaucoup de vallées obscures, il y a beaucoup de moments marqués par la difficulté et la mort, mais Israël se rappelle que Dieu était bon et qu’il peut survivre dans cette vallée obscure, dans cette vallée de la mort, parce qu’il se souvient. Il garde en mémoire la bonté du Seigneur, de sa puissance; sa miséricorde vaut pour l’éternité. Et cela est important pour nous aussi: garder en mémoire la bonté du Seigneur. La mémoire devient force de l’espérance. La mémoire nous dit: Dieu existe, Dieu est bon, éternelle est sa miséricorde. Et ainsi la mémoire ouvre, même dans l’obscurité d’un jour, d’un temps, la route vers l’avenir: elle est lumière et étoile qui nous guide. Nous avons nous aussi une mémoire du bien, de l’amour miséricordieux, éternel de Dieu. L’histoire d’Israël appartient déjà à notre mémoire aussi, la mémoire de la façon dont Dieu s’est montré, a créé son peuple. Puis Dieu s’est fait homme, l’un d’entre nous: il a vécu avec nous, il a souffert avec nous, il est mort pour nous. Il reste avec nous dans le Sacrement et dans la Parole. C’est une histoire, une mémoire de la bonté de Dieu qui nous assure sa bonté: son amour est éternel. Et puis aussi en ces deux mille ans de l’histoire de l’Eglise il y a toujours, à nouveau, la bonté du Seigneur. Après la période obscure de la persécution nazie et communiste, Dieu nous a libérés, il a montré qu’il est bon, qu’il a de la force, que sa miséricorde vaut pour toujours.

Avoir toujours à l’esprit la mémoire des grandes choses
qu’il a faites dans ma vie aussi.

Et si aujourd’hui je suis dans la nuit obscure, demain Il me libère car sa miséricorde est éternelle.

Et, comme dans l’histoire commune, collective, est présente cette mémoire de la bonté de Dieu, elle nous aide, elle devient étoile de l’espérance, ainsi aussi chacun a son histoire personnelle de salut, et nous devons réellement tirer profit de cette histoire, avoir toujours à l’esprit la mémoire des grandes choses qu’il a faites dans ma vie aussi, pour avoir confiance: sa miséricorde est éternelle. Et si aujourd’hui je suis dans la nuit obscure, demain Il me libère car sa miséricorde est éternelle.

Revenons au psaume, parce que, à la fin, il revient à la création. Le Seigneur — c’est ce qui est dit — « à toute chair, il donne le pain, éternel est son amour!» (n. 25). La prière du psaume se conclut avec une invitation à la louange: «Rendez grâce au Dieu du ciel, éternel est son amour!». Le Seigneur est le Père bon et prévoyant, qui donne son héritage à ses fils et offre à tous la nourriture pour vivre. Le Dieu qui a créé les cieux et la terre et les grandes lumières célestes, qui entre dans l’histoire des hommes pour conduire au salut tous ses enfants est le Dieu qui comble l’univers de sa présence de bien en étant attentif à la vie et en donnant du pain. La puissance invisible du Créateur et Seigneur chantée dans le Psaume se révèle dans la petite visibilité du pain qu’il nous donne, avec lequel il nous fait vivre. Et ainsi ce pain quotidien symbolise et synthétise l’amour de Dieu comme Père, et nous ouvre à l’accomplissement néo-testamentaire, à ce «pain de vie», l’Eucharistie, qui nous accompagne dans notre existence de croyants, en anticipant la joie définitive du banquet messianique au Ciel.

Je veux donc conclure cette catéchèse en faisant miennes les paroles que saint Jean écrit dans sa Première Lettre et que nous devrions toujours avoir à l’esprit dans notre prière: «Voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés: il a voulu que nous soyons appelés fils de Dieu — et nous le sommes» (1 Jn 3, 1). Merci.

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(*) "L'école de prière" est une série de catéchèses sur la prière donnée par Benoît XVI, en 2011-2012, dans le cadre des audiences du mercredi. Le pape y regroupe de façon systématique son enseignement sur la prière. Le présent texte est le douzième de la série. Voir la liste des catéchèses présentées lors de ces audiences.

Source du texte: site du Vatican (Le Saint Siège, Benoît XVI, Audiences, Mercredi 19 octobre 2011),
Source des images:
marche dans le désert: "Vivre, Faire Vivre!"; arrivée à la Terre promise: "La Contre-Réforme catholique au XXIe siècle";