Selon Paul de Tarse, la nouvelle secte des chrétiens menaçait la foi d’Israël. En pourchassant ces renégats dangereux, il a voulu protéger ses compatriotes. Il lui paraissait clair que la crucifixion de Jésus prouvait que le Nazaréen était un faux messie et que la fraternité entre les Juifs et les membres d'autres races, tel que prêché par Étienne, ferait disparaître «l’élection unique» du peuple d’Israël. Il nous faut nous rappeler ces considérations pour apprécier à sa juste valeur l'irruption du Christ dans la vie de saint Paul.
Dans l’iconographie chrétienne, particulièrement au Moyen Âge, on voit Paul qui, sur la route de Damas, tombe de son cheval. Au premier siècle, les chevaux étaient rares et ils étaient utilisés surtout par les militaires et par les haut-fonctionnaires romains. Paul voyageait probablement à pied, au milieu d’une «caravane». Soudainement, ce pharisien convaincu se trouve en face de celui qu’il veut éliminer. Par deux fois, il entend prononcer son nom : «Saul ! Saul ! Pourquoi me persécutes-tu ?» Le Christ s’identifie aux chrétiens de son Église. Paul devient aveugle et ce sera l’un des disciples du Seigneur, Ananie, qui lui redonnera la vue. (Actes 9, 10-19)
L’Apôtre n'aura jamais le moindre doute au sujet de ce qu'il a vécu, pendant ces quelques instants, sur le chemin de Damas. Sa conviction demeurera inébranlable: il a réellement rencontré Jésus, le Ressuscité, qui l’a interpelé et a bouleversé sa vie. Lorsqu’il revient à lui, en véritable homme d'action, il demande : «Seigneur, que veux-tu que je fasse?» (Actes 22, 10)
Sans cette apparition du Christ ressuscité, Paul n'aurait jamais pu surmonter le «scandale de la croix». Seule la résurrection pouvait écarter cet obstacle, comme elle l'a fait d’ailleurs pour les autres apôtres.
Tout au long de sa vie, Paul se rappellera cette rencontre. Le Seigneur lui est apparu, non pas sous les traits de celui qui châtie et qui venge, mais avec un visage empreint de miséricorde et de bonté :
«Le jour où apparurent la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes, il ne s’est pas occupé des oeuvres que nous avions pu accomplir, mais, poussé par sa seule miséricorde, il nous a sauvés par le bain de la régénération et de la rénovation en l’Esprit Saint.» (Tite 3, 4-5)
La colère de Dieu contre les hommes s'était transformée en amour plein de tendresse. Les épîtres de Paul, documents uniques dans la littérature mondiale, proclameront cette vérité fondamentale:
«Mais il m'a été fait miséricorde!» (1 Timothée 1, 13)
Paul est saisi en profondeur, dans son coeur et dans son intelligence, par ce Jésus venu révéler l'amour infini de Dieu pour nous. Il découvre alors le mystère du Dieu-incarné, qui se met du côté des faibles, qui s’identifie à chacun d’eux : «Je suis celui que tu persécutes ». Il est renversé par l’amour miséricordieux et gratuit de Dieu, à un moment où rien ne le préparait à cette révélation. C'est au caractère subit de cette rencontre que fait allusion l'étrange parole : «Après tous les disciples, il m'est apparu à moi aussi, comme à l’avorton. » (1 Corinthiens 15, 8).
Au début de 5e siècle, Saint Augustin, qui vivra lui aussi une grande expérience de conversion, dira en parlant du combat de la grâce chez saint Paul : « Elle le jeta par terre pour le relever aussitôt » (Sermon 14).
«L'évangile de Paul» sera
le fruit de l'illumination divine, suivie de la prière méditative
et de l'étude constante
de la Bible.
C'est donc avant tout l'événement du chemin de Damas qui éclaire la vie de S. Paul avec une intensité qui ne faiblira jamais. Sa grande connaissance des Écritures lui fournira ensuite les lumières nécessaires pour trouver un sens à cette rencontre capitale. Les Écritures lui permettront de comprendre et d'harmoniser la révélation de Jésus, Fils de Dieu, avec le Messie souffrant des prophètes.
«L'évangile de Paul» ne lui est donc pas tombé du ciel parfaitement achevé. Il sera le fruit de l'illumination divine, suivie de la prière méditative et de l'étude constante de la Bible. Ses lettres reflètent ce triple caractère. Si nous les lisons dans la suite chronologique de leur rédaction, il est possible de reconnaître assez nettement le développement de la pensée de l’apôtre des nations.
Pour Paul, cette rencontre avec le Christ se résume en un mot : la gratuité! Voilà la clé de lecture de son expérience sur la route de Damas. Cette gratuité a renouvelé de l'intérieur sa relation à Dieu. Dorénavant, elle orientera toute sa vie et le soutiendra dans les crises qui viendront. Elle est la nouvelle source de la spiritualité qui fait jaillir en lui une «énergie puissante» (Colossiens 1, 29), bien plus exigeante que ne l'avait été sa volonté de pratiquer la Loi et d'acquérir sa propre justification.
La gratuité de Dieu!
Voilà la
clé de lecture de son expérience sur la route de Damas.
La joie et l'action de grâce
seront les caractéristiques
de sa spiritualité.
Il est important de souligner que la conversion de Paul ne s’est pas terminée sur le chemin de Damas. C’est là qu’elle commence. Ça lui prendra toute une vie, jusqu’à sa condamnation à mort dans la capitale de l’Empire, pour terminer cette conversion.
Quand Paul jette un regard sur sa vie, il la voit divisée en deux parties, «la vie sans le Christ» et «la vie dans le Christ». Ce qui s’est passé sur la route de Damas est le grand événement qui les sépare. Après cette rencontre, la vie tumultueuse de Paul connaît un revirement qui l’invite non pas à détruire ceux et celles qui sont différents de lui mais à leur prêcher l’espérance, la réconciliation et la liberté en Dieu-Sauveur.
Paul est comme le marchand dont parle Matthieu au chapitre 13 de son Évangile : ayant trouvé une perle précieuse, il s'aperçoit que tout le reste ne vaut rien. Il est semblable à l'homme qui découvre un trésor caché dans un champ et abandonne tout pour l’acquérir.
«À cause de lui, j’ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le Christ.» (Philippiens 3, 7-8).
La rencontre sur le chemin de Damas produira chez Paul une véritable transfiguration, et lui apportera une grande joie intérieure :
«Je suis rempli de consolation; je déborde de joie au milieu de toutes nos épreuves « (2 Colossiens 7, 4).
Elle l’invitera à la reconnaissance. (cf. Colossiens 1, 12). La joie et l'action de grâce seront les caractéristiques de sa spiritualité. Et l’expérience de Damas l’invitera à la louange de son Seigneur :
«Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui, du haut des cieux, nous a comblés de toutes sortes de bénédictions spirituelles dans le Christ» (Éphésiens 1, 3). (Voir 2 Colossiens 1, 3-4).
La rencontre du Christ sur le chemin de Damas est le moment le plus précieux de la vie de Paul. À trois reprises, Luc nous la raconte (Actes 9, 1-19; 22, 4-16; 26, 9-18), car cet événement est un exemple et un modèle de toutes rencontres véritables avec le Christ.
La semaine prochaine : Rupture dans la vie de Paul
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Source des images: L'illumination de Paul: jw.org ; Le "Dieu tout-puissant" fait tomber Paul de son cheval: Livres mystiqus: Vie des saints.