Le
Fils de Dieu devenu Fils de la Vierge a appris à prier selon s on
cœur d’homme. Il a appris les formules de prière de sa mère, qui
conservait et méditait dans son cœur toutes les "grandes choses faites
par le Tout-Puissant" (cf. Lc 1, 49 ; 2, 19 ; 2, 51). Il l’apprend dans
les mots et les rythmes de la prière de son peuple, à la synagogue de
Nazareth et
au Temple. Mais sa prière jaillit d’une source autrement secrète, comme
il le laisse pressentir à l’âge de douze ans : "Je Me dois aux affaires
de mon Père" (Lc 2, 49). Ici commence à se révéler la nouveauté de la
prière dans la plénitude des temps :
la prière filiale, que le Père attendait de
ses enfants, va enfin être vécue
par le Fils unique Lui-même dans son Humanité, avec et pour les
hommes.
L’Evangile
selon S. Luc souligne l’action de l’Esprit Saint et le sens de la prière
dans le ministère du Christ.
Jésus prie
avant les moments décisifs de sa
mission : avant que le Père témoigne de lui lors de son Baptême
(cf. Lc 3, 21) et de sa Transfiguration (cf. Lc 9,
28), et avant d’accomplir par sa Passio n
le Dessein d’amour du Père (cf. Lc 22, 41-44). Il
prie aussi avant les moments décisifs qui vont engager la mission de ses
Apôtres : avant de choisir et d’appeler les Douze (cf. Lc 6, 12),
avant que Pierre le confesse comme "Christ de Dieu" (cf. Lc 9,
18-20) et afin que la foi du chef des Apôtres ne défaille
pas dans la tentation (cf. Lc 22, 32). La prière
de Jésus avant les événements du salut que le Père lui demande
d’accomplir est une remise, humble et confiante,
de sa volonté humaine à la volonté aimante du Père.
Un
jour, quelque part, Jésus priait. Quand il eut fini, un de ses disciples
lui demanda : Seigneur, apprends-nous à prier " (Lc 11, 1).
N’est-ce-pas d’abord en contemplant son Maître prier que le disciple du
Christ désire prier ? Il peut alors l’apprendre du Maître de la prière.
C’est en
contemplant et en écoutant le Fils que les enfants apprennent à
prier le Père.
Jésus se retire souvent à l’écart,
dans la solitude, sur la montagne, de préférence de nuit,
pour prier (cf. Mc 1, 35 ; 6, 46 ; Lc 5, 16).
Il
porte
les hommes dans sa prière, puisque aussi bien il assume
l’humanité en son Incarnation, et il les offre au Père en s’offrant
lui-même. Lui, le Verbe qui a "assumé la chair",
participe dans sa prière humaine à tout ce que
vivent "ses frères" (He 2, 12) ; il
compatit à leurs faiblesses pour les en délivrer (cf. He 2, 15 ;
4, 15). C’est pour cela que le Père l’a envoyé.
Ses paroles et ses œuvres apparaissent alors comme la manifestation
visible de sa prière "dans le secret".
Du
Christ, durant son ministère, les évangélistes ont retenu deux prières
plus explicites. Or elles commencent chacune par
l’action de grâces. Dans la première (cf. Mt 11, 25-27 et
Lc 10, 21-23), Jésus confesse le Père, le reconnaît et le
bénit parce qu’il a caché les mystères du Royaume à ceux qui se croient
doctes et l’a révélé aux "tout petits" (les pauvres des Béatitudes). Son
tressaillement "Oui, Père !" exprime le fond de son cœur, son adhésion
au "bon plaisir" du Père, en écho au "Fiat" de Sa Mère lors de sa
conception et en prélude à celui qu’il dira au Père dans son agonie.
Toute la prière de Jésus est dans cette adhésion aimante de son cœur
d’homme au "mystère de la volonté" du Père (Ep 1, 9).
La
seconde prière est rapportée par S. Jean (cf. Jn 11, 41-42)
avant la résurrection de Lazare. L’action de grâces précède
l’événement : "Père, je te rends grâces de m’avoir exaucé", ce qui
implique que le Père écoute toujours sa demande ; et Jésus ajoute
aussitôt : "je savais bien que tu m’exauces toujours", ce qui implique
que,
de son côté, Jésus
demande d’une façon constante.
Ainsi, portée par l’action de grâce, la prière de Jésus nous révèle
comment demander :
Avant que le don soit donné, Jésus
adhère à Celui qui donne et Se donne dans ses dons.
Le Donateur est plus précieux que le don accordé, il est le "Trésor", et
c’est en Lui qu’est le cœur de son Fils ; le don est donné "par
surcroît" (cf. Mt 6, 21. 33).
L a
prière " sacerdotale " de Jésus (cf. Jn 17) tient
une place unique dans l’Economie du salut. Elle sera méditée en finale
de la première Section. Elle révèle en effet la prière toujours actuelle
de notre Grand Prêtre, et, en même temps, elle contient ce qu’il nous
enseigne dans notre prière à notre Père, laquelle sera développée dans
la deuxième Section.
Quand
l’Heure est venue où Il accomplit le D essein
d’amour du Père, Jésus laisse entrevoir la
profondeur insondable de sa prière filiale, non seulement avant
de se livrer librement (" Abba...
non pas ma volonté, mais la tienne " : Lc 22, 42),
mais jusque dans
ses dernières paroles sur la
Croix, là où prier et se donner ne font qu’un : " Mon Père,
pardonne-leur, ils n e
savent pas ce qu’ils font " (Lc 23, 34) ; " En
vérité, je te le dis, dès aujourd’hui tu seras avec moi dans le
Paradis " (Lc 24, 43) ; " Femme, voici ton fils "
– " Voici ta mère " (Jn 19, 26-27) ; " J’ai
soif ! " (Jn 19, 28) ; " Mon Dieu, pourquoi
m’as-tu abandonné ? " (Mc 15, 34 ; cf. Ps 22, 2) ;
" Tout est achevé " (Jn 19, 30) ; " Père, je
remets mon esprit entre tes mains " (Lc 23, 46),
jusqu’à ce " grand cri " où il expire en livrant l’esprit (cf. Mc
15, 37 ; Jn 19, 30b).
Toutes
les détresses de l’humanité de tous les temps, esclave du péché et de la
mort, toutes les demandes et les intercessions de l’histoire du salut
sont recueillies dans ce Cri du Verbe incarné. Voici que le Père les
accueille et, au delà de toute espérance, les exauce en ressuscitant son
Fils. Ainsi s’accomplit et se consomme le drame de la prière dans l’Economie
de la création et du salut. Le psautier nous en livre la clef dans le
Christ. C’est dans l’Aujourd’hui de la Résurrection que le Père dit :
" Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui je t’ai engendré. Demande, et
je te donne les nations pour héritage, pour domaine les
extrémités de la terre ! " (Psaume 2, 7-8 ; cf. Ac 13, 33).
L’Epître aux Hébreux exprime en des termes
dramatiques comment la prière de Jésus opère la victoire du salut :
"C’est Lui qui aux jours de sa chair, ayant présenté, avec une
violente clameur et des larmes, des implorations et des
supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été
exaucé en raison de sa piété, tout Fils qu’il était, il apprit, de
ce qu’il souffrit, l’obéissance ; après avoir été rendu parfait, il
est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe de salut
éternel" (He 5, 7-9).
En bref
Dans le Nouveau Testament le modèle parfait de la prière réside
dans la prière filiale de Jésus.
Faite souvent dans la solitude, dans le secret,
la prière de Jésus comporte une adhésion aimante
à la volonté du Père jusqu’à la croix
et une absolue confiance d’être exaucée.
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(Prochain texte: "Jésus
enseigne à prier")
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