Chapitre deuxième
La tradition de la prière
La prière ne se réduit
pas au jaillissement spontané d’une impulsion intérieure : pour prier,
il faut le vouloir. Il ne suffit pas non plus de savoir ce que les
Écritures révèlent sur la prière : il faut aussi apprendre à prier. Or,
c’est par une transmission vivante (la sainte Tradition) que l’Esprit
Saint, dans "l’Église croyante et priante" (DV 8), apprend à prier aux
enfants de Dieu.
La tradition de la
prière chrétienne est l’une des formes de croissance de la Tradition de
la foi, en particulier par la contemplation et l’étude des croyants qui
gardent en leur cœur les événements et les paroles de l’Économie du
salut, et par la pénétration profonde des réalités spirituelles dont ils
font l’expérience (cf. DV 8).
Article 1
Aux sources de la prière
L’Esprit
Saint est "l’eau vive" qui, dans le cœur priant, "jaillit en Vie
éternelle" (Jn 4, 14). C’est lui qui nous apprend à l’accueillir à la
Source même : le Christ. Or, il y a dans la vie chrétienne des points de
source où le Christ nous attend pour nous abreuver de l’Esprit Saint :
La Parole de Dieu
L’Église
"exhorte avec force et de façon spéciale tous les chrétiens... à
acquérir par une lecture fréquente des divines Écritures
‘la science éminente de Jésus-Christ’... Mais la
prière doit accompagner la lecture de la Sainte Écriture pour que se
noue un dialogue entre Dieu et l’homme, car
"c’est
à lui que nous nous adressons quand nous prions, c’est lui que
nous écoutons quand nous lisons les oracles divins"
(S. Ambroise, off. 1, 88 : PL
16, 50A) " |
Les Pères spirituels, paraphrasant Mt
7, 7, résument ainsi les dispositions du cœur nourri par la Parole de
Dieu dans la prière :
"Cherchez en lisant,
et vous trouverez en méditant ; frappez en priant, et il vous sera
ouvert par la contemplation"
(cf. Guigue le Chartreux,
scala : PL 184, 476C). |
La Liturgie de
l’Église
La mission du Christ et de l’Esprit
Saint qui, dans la Liturgie sacramentelle de l’Église, annonce,
actualise et communique le Mystère du salut, se poursuit dans le cœur
qui prie. Les Pères spirituels comparent parfois le cœur à un autel. La
prière intériorise et assimile la Liturgie pendant et après sa
célébration. Même lorsqu’elle est vécue "dans le secret" (Mt 6, 6),
la prière est toujours prière de l’Église, elle est communion
avec la Trinité Sainte (cf. IGLH 9).
Les vertus théologales
On entre en prière comme on entre en
Liturgie : par la porte étroite de la foi. A travers les signes
de sa Présence, c’est la Face du Seigneur que nous cherchons et
désirons, c’est sa Parole que nous voulons écouter et garder.
L’Esprit Saint qui nous apprend à
célébrer la Liturgie dans l’attente du retour du Christ, nous éduque à
prier dans l’espérance. Inversement, la prière de l’Église et la
prière personnelle nourrissent en nous l’espérance. Les psaumes tout
particulièrement, avec leur langage concret et varié, nous apprennent à
fixer notre espérance en Dieu :
"J’espérais le Seigneur d’un grand
espoir, il s’est penché vers moi, il écouta mon cri"
(Psaume 40, 2). |
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"Que
le Dieu de l’espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi la
joie et la paix afin que l’espérance surabonde en nous par la puissance
de l’Esprit Saint"
(Rm 15, 13) |
La prière, formée par la
vie liturgique, puise tout dans l’Amour dont nous sommes aimés dans le
Christ et qui nous donne d’y répondre en aimant comme Lui nous a aimés.
"L’espérance ne peut décevoir,
puisque l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le
Saint-Esprit qui nous fut donné."
(Rm 5, 5). |
L’Amour est la source de la prière ; qui y puise, atteint le
sommet de la prière :
Je vous aime, ô mon Dieu, et mon seul désir est
de vous aimer jusqu’au dernier soupir de ma vie. Je vous aime, ô mon
Dieu infiniment aimable, et j’aime mieux mourir en vous aimant, que
de vivre sans vous aimer. Je vous aime, Seigneur, et la seule grâce
que je vous demande, c’est de vous aimer éternellement... Mon Dieu,
si ma langue ne peut dire à tous moments que je vous aime, je veux
que mon cœur vous le répète autant de fois que je respire

(S. Jean
Marie Baptiste Vianney, prière). |
"Aujourd’hui"
Nous apprenons à prier à certains
moments en écoutant la Parole du Seigneur et en participant à son
Mystère pascal, mais c’est en tout temps, dans les événements de
chaque jour, que son Esprit nous est offert pour faire jaillir la
prière. L’enseignement de Jésus sur la prière à
notre Père est dans la même ligne que celui sur la Providence
(cf. Mt 6, 11. 34) : le temps est entre les mains du
Père ; c’est dans le présent que nous le rencontrons, ni hier ni demain,
mais aujourd’hui :
"Aujourd’hui, puissiez vous
écouter sa voix ; n’endurcissez pas vos cœurs" .
(Psaume 95, 7-8). |
Prier dans les événements de chaque
jour et de chaque instant est l’un des secrets du Royaume révélés aux
"tout-petits", aux serviteurs du Christ, aux pauvres des béatitudes.
Il est juste et bon de prier pour que la venue du Royaume de justice et
de paix influence la marche de l’histoire, mais il est aussi important
de pétrir par la prière la pâte des humbles situations quotidiennes.
Toutes les formes de prière peuvent être ce levain auquel le Seigneur
compare le Royaume (cf. Lc 13, 20-21).
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