par Roger Gauthier, o.m.i.
Un certain matin, les scribes et les pharisiens ne voulurent pas lui laisser le terrain libre et vinrent tôt le harceler. Surtout qu’ils étaient sûrs d’avoir découvert une situation-piège qui mettrait Jésus en contradiction avec lui-même devant une foule sûrement indignée. En effet, on venait de leur amener une femme, surprise en flagrant délit d’adultère, délit qui, selon la Loi, devait conduire nécessairement à la mort. Jésus ne pourraient pas s’en sortir : s’il la condamnait, on le mettrait en contradiction avec son habitude de faire passer des personnes avant la Loi; et s’il ne la condamnait pas, la foule en serait scandalisée, spécialement les hommes qui se révolteraient par crainte que leurs épouses n’aient plus peur de les tromper.
Ils placèrent cette femme devant Jésus et le pointèrent en proclamant haut et fort leur horreur pour un tel crime contre la Loi : « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Tu sais que dans la Loi de Moïse, ces femmes-là doivent être lapidées. Es-tu d’accord avec cette prescription? ». Jésus fut profondément ému par l’angoisse de cette femme qui était certaine d’être lapidée. Mais il fut avant tout horrifié par la dureté de coeur de ses accusateurs insensibles à la souffrance qu’ils causaient. Il resta d’abord silencieux, souhaitant qu’ils prennent conscience de leur méchanceté. Ce fut en vain; ils étaient tout occupés à savourer ce silence : enfin ils l’avaient leur victoire! Mystérieusement, Jésus faisait des dessins avec un doigt dans le sable. Ces hauts défenseurs de la Loi en profitaient alors pour le talonner. Jésus parut prendre leur parti et condamner la femme, mais à la condition qu’ils se compromettent publiquement comme n’ayant jamais vécu eux-mêmes l’adultère ou commis quelque autre manquement grave à la Loi : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lance la première pierre ». Stupeur! Silence total! Jésus ne les regardait plus; il les laissait seuls avec leur conscience. Il continuait ses dessins dans le sable! Piteusement, ces zélés de la Loi craignirent d’être dénoncés publiquement par Jésus ou par des gens de la foule. À commencer par les plus âgés, tous choisirent d’aller mettre à l’abri leur vie secrète! Seuls restaient avec Jésus la femme toute tremblante et une petite foule d’amis et de curieux. Alors Jésus regarda la pécheresse avec un sourire affectueux et lui dit : « Ils semblent tous partis et tu n’es pas morte, on dirait ». Elle reprit confiance et répondit : « Seigneur, ils ne m’ont rien fait ». Jésus en était tout heureux et le cœur plein de tendresse, il lui dit : « Moi non plus je ne te condamnerai pas, mais souviens-toi de notre rencontre pour lutter contre le mal qui pourrait te tenter encore ».
Pendant cette scène, nous étions passés par toutes sortes de sentiments contradictoires. D’abord, nous avons bien vu le piège des pharisiens. Pierre, entre autres, était furieux. Par ailleurs, nous savions toute la peine qu’aurait Jésus de condamner cette femme à mort. Mais pouvait-il faire autrement? Sa réaction nous a tous pris par surprise. Ce Jésus que nous suivions depuis plus d’une année avec tout notre cœur nous étonna encore une fois : il avait réussi à réconcilier respect, affection et interpellation. Pierre retenait surtout que Jésus avait encore une fois désarmé les pharisiens!
Malgré des échecs répétés, certains pharisiens ne se laissaient pas décourager; ils guettaient toutes les occasions pour le confronter. Un jour qu’il parlait avec des gens dans la salle du Trésor, au Temple, ils vinrent le relancer une autre fois. Avec patience, Jésus tenta encore de les convaincre qu’il n’était pas dangereux et qu’il voulait seulement dire au monde comment arriver à la Vie. Il leur affirma: « Je veux seulement éclairer tout le monde. Celui qui accueille mon message saura où trouver la vraie Vie; il saura aussi quelles décisions prendre pour y arriver ». Toujours aussi combatifs, eux lui répliquèrent : « C’est toi qui témoigne sur toi-même! Ton affirmation n’a aucune valeur ». Jésus leur répondit : « Il est vrai que je me rends ce témoignage à moi-même, mais ce n’est pas moi qui l’invente. Il m’est communiqué par celui qui m’a envoyé et qui m’a donné le projet de vie que je dois réaliser. Quant à vous qui m’évaluez uniquement à partir de ce que vous voyez et selon le seul bon sens humain, vous ne pouvez pas savoir qui m’a envoyé et ce qu’il m’a donné à faire.
« Moi, je n’évalue pas les personnes sur les apparences. Quand je porte un jugement, je ne me fie pas à moi seul, mais je m’assure de respecter la vérité en me faisant endosser par celui qui m’a envoyé. C’est pourquoi je vous demande de me faire confiance parce que je m’appuie sur ce qu’affirme votre Loi. Ne dit-elle pas que le témoignage de deux personnes est valable? Or si vous aviez des yeux pour voir au-delà des apparences, quand je me rends témoignage à moi-même, vous sauriez que je suis corroboré par le Père qui m’a envoyé ». Mais eux n’avaient rien compris de ces paroles : ils lui proposèrent de rencontrer son Père: « Où est-il, ton Père? » Jésus fut peiné de leur profonde résistance : « Je pense que vous ne comprendrez jamais rien de moi et encore moins de mon Père. Si vous m’écoutiez avec le désir tout simple de découvrir la vérité sur moi quand je vous parle de ma vie, vous arriveriez à me connaître et alors, vous découvririez aussi qui est mon Père ». Les plus fanatiques furent insultés de ces paroles et cherchèrent comment le faire disparaître. Ils n’y arrivèrent pas, cette fois-ci : sa mission n’était pas terminée.
Tout de même, nous l’avons pressé - encore une fois - de s’éloigner d’un milieu aussi hostile. Nous faisions valoir les risques qui le menaçaient toujours davantage; nous lui parlions des foules qui l’attendaient dans les campagnes et les villages pour entendre son message. Toujours, il nous répondait de la même manière : « Je ne fais rien de moi-même, mais ce que je vois faire au Père, je le fais pareillement ». C’était bien mystérieux pour nous et nous nous taisions.
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