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Réflexion sur l'évangile du 22e dimanche ordinaire, A

Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.

 



 

 

Mt 16, 21-27

 

Pierre avait dit à Jésus: «Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant.» À partir de ce moment, Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter. 

Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches: «Dieu t’en garde, Seigneur! cela ne t’arrivera pas.» Mais lui, se retournant, dit à Pierre: «Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route, tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes.» 

Alors Jésus dit à ses disciples: «Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera. Quel avantage en effet un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie? Et quelle somme pourra-t-il verser en échange de sa vie? Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père; alors il rendra à chacun selon sa conduite.»

 

22e dimanche ordinaire - A

photo du Père Allard


"Qui perd sa vie à cause de moi
la gardera"

 

Notre page d’évangile prend la suite de la déclaration de Pierre à Jésus : «Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant». Le texte d’aujourd’hui nous présente l’affrontement de deux mentalités : Pierre refuse la souffrance et le Seigneur affirme qu’il n’y a pas de véritable amour sans sacrifice. Ceci est vrai dans les rapports amoureux, dans la vie de couples, dans l’exercice d’un métier ou d’une profession.

Il suffit d’évoquer certaines situations parfois douloureuses, pour comprendre que l’amour coûte cher : Pardonner à un ennemi qui nous a blessé et humilié. Aimer fidèlement un conjoint, malgré les désaccords et la maladie. Continuer à aimer des enfants qui semblent se moquer de nous. Garder le sens du partage quand tout nous incite à entasser et à dépenser pour soi. Être fidèle à ses engagements de mariage. Rester honnête dans les affaires quand les règles économiques et politiques sont celles de la jungle, celle du plus fort qui écrase le faible. Savoir manifester, sans violence, contre les puissances de  l’argent. Se tenir debout pour la vérité et la justice quand tout le monde rampe. Gagner sa vie sans tricher et sans frauder. Prendre parti pour les pauvres et les délaissés de nos sociétés. Affirmer les droits des sans-voix, des immigrants illégaux, de ceux et celles qui sont sur le bien-être social. Se dire chrétien dans un milieu laïc et incroyant. Prier et participer aux offices liturgiques dans un monde qui se moque de la religion.

Pour aimer de façon authentique, il faut y mettre le prix. La mentalité de notre monde s’oppose de façon catégorique à l’esprit de l’Évangile lorsque :
- le gain devient la seule valeur de la vie.
- le succès à tous prix domine les modèles proposés dans les sports, la politique, les affaires.
- la cupidité honteuse est maîtresse de la place publique et de la vie de tous les jours.
- toutes les règles de morale sont abolies afin de favoriser le plaisir immédiat.

Une étude affirmait qu’aux États-Unis plus de 80% des jeunes trichent aux examens. Ce n’est sans doute pas beaucoup mieux au Canada. C’est la seule façon, selon ces étudiants, de s’assurer un avenir prometteur. Mais cette mentalité de malhonnêteté risque de  continuer après la fin des études et de s’étendre ensuite à la vie politique et à la vie de tous les jours.

Heureusement, il y a de nombreux exemples d’amour véritable, malgré les obstacles et les difficultés.

Je connais un couple qui, depuis plus de 30 ans, s’occupe de leur fille handicapée de naissance et qui est en chaise roulante, incapable de se nourrir elle-même et ne pouvant prononcer que quelques mots. Ils ont eu deux autres filles en excellente santé, mais une grande partie de leur temps et de leur énergie a été consacrée à Sara qui demande une attention constante. Toute la vie de cette famille a été bouleversée par cette enfant handicapée qui est encore vivante parce qu’elle est entourée de l’amour de ses deux soeurs et ses parents.

Dans un village où je travaillais, une vieille dame, Vittoria, avait trois enfants et un mari ivrogne. Elle devait gagner le nécessaire pour nourrir sa famille, car son mari avait perdu son emploi. Malgré ses moyens très limités, elle gardait chez-elle sa belle-mère en chaise roulante et complètement dépendante des autres. Pendant des années, son grand amour et sa foi profonde lui ont donné le courage de faire face à toutes ces difficultés. Aujourd’hui cette vieille dame, belle et sereine, entourée de l’amour de ses trois enfants, remercie Dieu tous les jours pour tout ce qu’elle a reçu dans sa vie !

Je suis convaincu que chacun de nous pourrait donner de nombreux exemples de cet amour difficile qui demande abnégation et sacrifices.

Pour aimer authentiquement, il faut y mettre le prix même si la mentalité moderne nous invite à l’épanouissement, au plaisir et à jouissance, à la liberté complète, : «je veux vivre ma vie!». Paul nous dit dans sa lettre aux Romains: «Ne vous conformez pas sur la mentalité du monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait.» (Rm 12, 2) Dieu valorise la vie en abondance et veut pour nous un bonheur basé sur l’amour, le respect de l’autre et le don de soi.

«Tes pensées ne sont pas celles de Dieu», dit Jésus à Pierre dans évangile d’aujourd’hui. En choisissant l’amour, avec tout ce que cela comprend de souffrance, nous construisons une vie en abondance qui se transforme en vie éternelle. «Qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera.» Les sacrifices que nous faisons pour ceux et celles que nous aimons n’a rien de masochiste. Ils valorisent notre existence et donne sens à notre vie.

Prions le Seigneur pour que nos pensées deviennent de plus en plus semblables à celles de Dieu. «Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive... Qui perd sa vie à cause de moi la gardera».

Source des images: (1) Méditation, par Rembrandt, Musée du Louvre.;