Imprimer Texte plus gros Texte plus petit

Formation > Étude de la Bible > Réflexion chrétienne en cours > Archives > Année A, 24e dimanche ordinaire
Texte plus gros Texte plus petit

Réflexion sur l'évangile du 24e dimanche ordinaire, A

Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.

 



 

 

Matthieu 18, 21-35

 

Pierre s'approcha de Jésus pour lui demander : «Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner? Jusqu'à sept fois?» Jésus lui répondit : «Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois.

«En effet, le Royaume des cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. Il commençait, quand on lui amena quelqu'un qui lui devait dix mille talents, (c'est-à-dire soixante millions de pièces d'argent). Comme cet homme n'avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette. Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait: <Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout.> Saisi de pitié, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette.

«Mais, en sortant, le serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d'argent. Il se jeta sur lui pour l'étrangler, en disant: <Rembourse ta dette!> Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait: <Prends patience envers moi, et je te rembourserai.> Mais l'autre refusa et le fit jeter en prison jusqu'à ce qu'il ait remboursé. «Ses compagnons, en voyant cela, furent profondément attristés et allèrent tout raconter à leur maître. Alors celui-ci le fit appeler et lui dit: <Serviteur mauvais! je t'avais remis toute cette dette parce que tu m'avais supplié. Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j'avais eu pitié de toi?> Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu'à ce qu'il eût tout remboursé.

«C'est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son coeur.»

 

24e dimanche ordinaire - A --

photo du Père Allard

 

Combien de fois devrai-je pardonner à mon frère?

 

Vis-à-vis l’offense qui nous est faite, il existe trois sortes de réponses possibles :

1. la vengeance extrême. Selon la Bible, la vengeance est comme une bête sauvage tapie dans l’ombre à la porte de la maison, et prête à sortir crocs et ongles (Genèse 4,7). L'animal sauvage n'est pas jamais très loin en chacun de nous. Le premier réflexe de celui qui est agressé, est de rendre au centuple. Un peu comme Lamech, dont le chant fait écho aux haines tribales primitives: «Ada et Çilla, entendez ma voix. Femmes de Lamek, écoutez ma chanson: pour une blessure, un homme j'ai tué... pour une meurtrissure, un enfant j'ai égorgé... Caïn, sept fois fut vengé... Mais Lamek, soixante-dix fois sept fois sera vengé» (Genèse 4,23.24).

Se venger le plus possible ! Encore aujourd’hui, nous retournons facilement à cette loi de la barbarie : les attaques du 11 septembre 2001, à New York; les SS qui fusillent 10 civils innocents pour chaque soldat allemand tué par la résistance;  le nettoyage ethnique de Bosnie où un groupe en fait disparaître un autre; les 800,000 personnes massacrées en 100 jours au Ruanda, dans une guerre de clans; les six millions de Juifs tués par les Nazis, simplement parce qu’ils étaient Juifs. Cette barbarie existe depuis la nuit des temps et elle refait surface de façon régulière à travers les siècles, perpétrée par des gens normaux, comme vous et moi.

HamurabiHammurabi

2. Une seconde possibilité est la loi du talion. Constatant l’aspect dévastateur des vengeances barbares mentionnées plus haut, le roi Hammurabi de Babylone, au 18 s. av. Jésus Christ, imposa la loi du talion : «œil pour oeil, dent pour dent», afin de limiter le nombre de morts associés à la vengeance. On peut se venger, mais «on doit respecter la sévérité du crime». C’était un progrès social énorme. Aujourd’hui, des millions de personnes sont encore à ce stage de l’humanité (ex. l’insistance sur la peine de mort).

3. Une troisième possibilité se retrouve dans la tradition juive, une tradition de miséricorde : «on doit pardonner jusqu’à quatre fois!» Pierre, qui est né dans cette tradition, se croit vraiment généreux lorsqu’il propose de pardonner jusqu’à sept fois! La réponse de Jésus est sans équivoque : on doit pardonner non pas sept fois, mais soixante-dix fois sept fois, c’est-à-dire qu’il ne doit pas y avoir de limite à notre pardon. Jésus fait naturellement référence au chant de Lamech dans le livre de la Genèse.

Pour le Christ, le pardon et la réconciliation sont plus importants que le culte et les offrandes

Le Christ nous rappelle dans l’Évangile que, grâce au pardon, nous pouvons nous-mêmes choisir la façon dont nous serons jugés à la fin de notre vie : «Pardonnez et le pardon vous sera accordé»; «La mesure que vous utilisez pour juger les autres sera la mesure qui sera utilisée pour vous» «Dieu pardonnera vos offenses comme vous pardonnez à ceux qui vous ont offensés».

Le pardon est une sorte de retour à la vie, permettant de considérer de nouveau l’autre personne comme un frère ou une soeur : «Ton frère était mort et il est revenu à la vie; il était perdu et il est maintenant retrouvé», dit le père de l’enfant prodigue à son fils qui revient des champs.

Le pardon est la base de la vie chrétienne, parce qu’il permet d’entrer dans l’univers d’amour et de miséricorde de Dieu. «Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait». (Matthieu 5, 48) et saint Luc écrira de son côté : «Soyez miséricordieux comme votre père céleste est miséricordieux.» (Luc 6, 36)

Pour le Christ, le pardon et la réconciliation sont plus importants que le culte et les offrandes : «Lorsque tu présentes ton offrande à l’autel, si tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse-là ton offrande, va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis reviens présenter ton offrande.» (Mt 5, 23s)

Combien de désastres familiaux se produisent par manque de pardon : en temps de conflits familiaux, de séparation ou de divorce, de partage d’héritage, etc.

Jésus pouvait demander à Pierre et aux autres disciples de pardonner sans limites parce que lui-même a su donner l’exemple sur la croix : «Père, pardonne-leur car ils ne savent ce qu’ils font». Il nous rappelle aujourd’hui que le pardon est la caractéristique la plus importante du chrétien : pardonner non pas sept fois mais soixante-dix fois sept fois.