Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
L’an quinze du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode prince de Galilée, son frère Philippe prince du pays d’Iturée et de Traconitide, Lysanias prince d’Abilène, les grands prêtres étant Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, fils de Zacharie. Il parcourut toute la région du Jourdain; il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés, comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe: «À travers le désert, une voix crie: Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées; les passages tortueux deviendront droits; les routes déformées seront aplanies; et tous les êtres humains verront le salut de Dieu».
Jean Baptiste se trouve au coeur de la liturgie des deuxième et troisième dimanches de l’Avent. Dimanche prochain nous entendrons son message, son appel à la conversion. Aujourd’hui c’est de sa mission de prophète qu’il s’agit. Pour décrire cette mission, Luc cite la prophétie d’Isaïe : « Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées; les passages tortueux deviendront droits, les routes déformées seront aplanies ; et tous les êtres humains verront le salut de Dieu.»
Le texte suggère un monde où les fossés entre les gens, les classes sociales et religieuses entre les peuples seront comblés, un monde où l’égalité de tous devant Dieu sera respectée. Un monde tout autre que celui des Tibère, Pilate, Hérode, Philippe, Lysanias, Anne et Caïphe. Le monde, basé sur les inégalités, sur les conquêtes et sur l’oppression disparaîtra.
Comme tous les évangiles, celui de S. Luc n’est pas un reportage mais un témoignage de foi. Pourtant, la méticulosité avec laquelle l’évangéliste situe le cadre historique de l’activité de Jean Baptiste donne au récit un caractère concret et incarné, très précis dans le temps et dans l’espace.
Dans le texte d’aujourd’hui, on voit défiler solennellement les têtes couronnées de l’époque : l’empereur Tibère, le préfet Ponce Pilate, les roitelets de la région Hérode et Lysanias, les pontifes Anne et Caïphe. Cette longue liste nous donne envie de sourire : Jean Baptiste à côté des grands de ce monde fait pâle figure. Mais, après deux mille ans, Jean Baptiste est toujours écouté, imité, célébré. Combien d’églises lui sont dédiées ? Combien de statues sont élevées en son honneur, alors que les statues de Tibère, l’empereur tout-puissant, croupissent dans de rares musées, rongées par le temps et l’indifférence générale.
Que sont devenus les grands de ce monde : Alexandre, César, Louis XIV ou Napoléon... ? Connaîtrait-on seulement l’existence de Ponce Pilate et d’Hérode sans le Christ, jugé pourtant par eux à une époque bien insignifiante, dans un pays de peu d’importance? Quelle place tiennent les grands de ce monde dans le coeur des gens ? Dans cent ans, qu’en sera-t-il de nos dirigeants les plus populaires ? Ils occuperont peut-être quelques centimètres carrés au Panthéon de la gloire.
Dans le texte d’aujourd’hui, Luc met l’accent sur la parole de Dieu qui se fait entendre, non par l’empereur romain, ni par le gouverneur de la Galilée, ni par les tétrarques du temps, ni par les grands prêtres. Cette parole de Dieu se fait entendre, «elle descend» sur Jean, fils de Zacharie, dans le désert.
Le désert est un lieu de dépouillement où les titres et les privilèges disparaissent, où chacun et chacune se dévoile tel qu’il est, dans toute sa nudité, en retrouvant son identité propre.
«La pédagogie de Dieu choisit ce qu’il y a de plus faible pour confondre les forts», dit S. Paul dans sa première lettre aux Corinthiens (1, 27).
La parole de Dieu «descend sur Jean». Toute la période de l’Avent tient dans ce mot : «recevoir la parole de Dieu», écouter cette parole, une parole qui transforme, qui fait de nous des femmes et des hommes nouveaux parce que nous nous laissons entraîner par elle sur les chemins du Seigneur. Grâce à sa parole, le Christ devient pour nous «le chemin, la vérité et la vie».
Hier comme aujourd’hui, l’Histoire avance grâce à des hommes et des femmes de charisme qui ont écouté la parole de Dieu : au 13e siècle, François d’Assise n’a vécu que 26 ans, mais il a changé radicalement l’Église de son temps; au 14e siècle, Catherine de Sienne, a réussi à ramené le pape Grégoire XI d’Avignon à Rome; au 16e siècle, Thérèse d’Avila et Ignace de Loyola ont renouvelé complètement la vie religieuse; ces dernières années, Mère Teresa de Calcutta a donné un nouveau visage à la tendresse et à la charité chrétienne. La parole de Dieu est descendue sur ces héros, sur ces héroïnes de l’histoire et ils ont vu le salut de Dieu.
Aujourd’hui, la parole de Dieu est adressée à chacun et chacune d’entre nous