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La foi en action
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Christ du cursillo

"Que votre lumière brille!
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(Mt 5, 15-16)

 

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Pape Jean-Paul II 1990"Voilà votre rôle dans l'Église: créer des noyaux de croyants qui portent le message du salut de tous côtés, en faisant valoir le poids de votre opinion non pas par l'imposition mais par la force de votre témoignage".

Jean-Paul ii, Ultreya d'Italie en 1990

Témoignage d'un prisonnier

Laurent
Diocèse de Montréal

menottesAu cours des dernières années, j'ai complété mes études de secondaire V et j'ai obtenu un diplôme d'études professionnelles en bureautique et en comptabilité. Je crois que j'aurai bientôt besoin de ces qualifications car il me faudra aller sur le marché du travail: âgé de 45 ans, je purge depuis 15 années consécutives une peine de prison.

Le mot purger a plusieurs définitions dont l'une d'elles décrit bien ma réalité et celle de ma peine: éliminer d'un groupe les éléments jugés indésirables ou dangereux. Je ne suis pas un détenu de droit politique, mais bien de droit commun. J'ai mérité ce qui m'est arrivé. J'ai couru après le trouble en plusieurs occasions dans ma vie; des chances m'ont été données de la part des autorités mais, loin d'en profiter, j'en ai abusé.

Vous savez, le milieu carcéral est un milieu très fermé et on met bien la paire d'oreilles qu'on veut ou qu'on peut lorsqu'on passe dans tous les méandres de ce système.

Menottes pieds et mainsCes 15 dernières années ont été parsemées de périodes très difficiles. Entre autres, j'ai perdu la femme qui m ' avait mis au monde alors que j’étais au cachot, me défendant d'un coup monté par des codétenus pour se débarrasser de moi, alors que j'étais en chemin vers la sortie. Je suis allé voir ma mère au salon funéraire avec les menottes aux mains et aux pieds. J'étais tellement choqué émotivement et sur la défensive par rapport à ce qui m'arrivait au pénitencier que je n'ai pu vivre ce deuil de ma mère. L'événement, la scène, aussi étrange que cela puisse paraître, me semblaient totalement irréels. C'est plus tard que j'ai pu faire ce deuil en me remémorant ma mère vivante et en lui faisant mes adieux consciemment, en lui réitérant mon amour et mon attachement, en étant bien conscient de lui avoir fait une grande part de misère et de difficultés. Adieu, brave femme, qui n'a jamais abandonné ses enfants malgré mille et un problèmes!

Le début de ma présente sentence fut particulièrement difficile, car j'ai vécu  beaucoup de pression de la part des médias, des autorités et de mon propre entourage. Complètement drogué, j'ai perdu le contrôle, posé des gestes malheureux dont j'étais tout aussi surpris que tout le monde. C'est comme si, pendant quelques jours, quelqu'un d'autre m'avait habité et que là, revenu à moi, je constatais les dommages et me demandais bien comment tout cela avait bien pu arriver.

Quoi qu'il en soit, je me retrouvais seul et avec beaucoup de pression. J'écopais d'une peine de prison abusive, que je devais faire modifier par la Cour d'appel un peu plus tard (heureusement!) et je me demandais si je sortirais un jour de prison. Les premières années furent passablement difficiles et c'est dans ces moments qu'on voit ce qu'on a comme bagage spirituel. Étant confiné à l'isolement et à la pression environnante, je me tournai vers un être que j'identifiai à Dieu; quelqu'un avec qui je pouvais entretenir une relation de confiance, à qui je demandais de l'aide et, sur­tout, quelqu'un dont je sentais en moi la présence réconfortante, quelqu'un de bon. Avant chaque repas, je faisais des prières que j'avais apprises à la petite école et je puisais une force et une sérénité certaines. Je ressentais ce contact comme très doux et très agréable; je découvrais une partie de moi qui avait besoin d'un certain support.

La foi en un Être créateur et supérieur m'était révélée par l'intérieur. C'est comme si cette réalité était en moi sans que je m'en rende compte. La foi m'habitait, profondément enfouie; et cela prenait un événement pour m’ébranler,  pour secouer mon intérieur jusqu'au tréfonds pour que j'y trouve un Être doux et bon. Et par la suite, c'est à ce caractère que j'ai voulu m'identifier: penser au bien, le communiquer, être pacifique et pacificateur.

Au long du cheminement carcéral qui suivit, je me montrai ouvert et réceptif au changement, à l'adoption de com­portements pouvant me permettre de faire partie de cette grande famille humaine que forme l'univers. D'ailleurs, j'ai toujours pu compter, tout au long de mon incarcération, sur des bénévoles qui participent à des activités via les chapelles des différentes prisons où j'ai séjourné. Je suis encore en contact avec un couple ami que j'ai connu à la chapelle du vieux pénitencier de St-Vincent-de-Paul. Avec un gardien, je suis allé les visiter lors d'une sortie temporaire et ce, 10 ans après les avoir rencontrés. Ils m'ont apporté beaucoup de support au tout début, me fournissant une présence et des encouragements précieux.

J'ai connu beaucoup d'autres per­sonnes par la même voie. La chapelle d'une prison est un lieu neutre et je dirais qu'on y entre pour communi­quer avec le cœur. On laisse une partie de son bouclier à la porte d'entrée de la chapelle. On prend contact avec les bénévoles — qui, souvent, sont des cursillistes, mais pas exclusivement — grâce à des activités telles que la messe domini­cale, des soirées de partage de l'Évan­gile ou du vécu, mais toujours dans un cadre de partage de la foi.

Personnellement, cela m'a beaucoup aidé d'être en contact avec des gens aux valeurs bonnes, des gens sans méchanceté et sans arrière-pensée. C'est un des éléments qui nous attirent, car on peut mettre la méfiance de côté, méfiance et prudence qui sont de mise dans le milieu carcéral. Je me suis senti et me sens encore apprécié par certains bénévoles sur le plan humain et sur le plan spirituel. J'ai appris beaucoup de choses au plan de la foi, sur le sens de la vie et j'ai été appuyé lorsque j'ai demandé de l'aide, soit sous la forme de corres­pondance ou par des visites. J'ai vraiment été choyé. Mes efforts pour communiquer, pour m'adapter ont été récompensés, parfois même au-delà de mes espérances. Je suis convaincu que c'est en haut lieu que tout s'est décidé: mettre sur ma route des gens, hommes et femmes, qui avaient quelque chose à m'apporter, à m'apprendre, à me partager.

J'ai une bonne famille; nous avons toujours gardé contact entre nous et ils ont fait tout leur possible pour m'aider. Mais à l'intérieur des murs, il faut apprendre à se détacher de l'extérieur et faire face à cette réalité de faire son temps, de voir s'écouler une partie de notre vie dans un uni­vers où les nouveaux contacts sont difficiles à établir et à conserver. Sur une longue période, je crois que le concept de visiteurs bénévoles fut, pour moi, bénéfique. J'ai fait plusieurs sorties à l'extérieur des murs, grâce souvent à l'accompagnement de bénévoles, pour aller dans des lieux de partage. Cela fait d'une pierre deux coups, car ces sorties, en plus de leur contenu, permettent de se bâtir une crédibilité face aux autorités.

Évidemment, cela ne règle pas tout et la vie doit suivre son cours avec ses hauts et ses bas et tous ses aspects parfois plus ou moins intéressants. J'ai vu beaucoup de choses qui n'avaient rien de divin. Il existe vrai­ment de la méchanceté sur la terre; et lorsqu'on constate cet état de fait, que l'on est capable de savoir et de rejeter ce qui est mal, je crois que l'on est sur la bonne route et que l'Esprit de Dieu agit librement en nous. Moi, j'appelle ça le langage du cœur. Lorsque c'est le cœur qui répond, la plu­part du temps ce sont des gestes de bonté qui sont posés. Lorsqu'on parle avec le cœur, ce sont des paroles franches qui sortent, du vrai et de l'authentique. L'Esprit divin opère à partir de notre intérieur. Il faut lui donner de l'espace, ne pas créer d'embâcles intérieurs (rancunes, ruminations, accumulations qui  n 'en finissent plus), se brancher sur notre cœur et laisser le grand boss travailler.

Pour ma part, j'en suis à la fin de cette sentence. Un autre défi m'attend:
celui d'aller sur le marché du travail, de me faire un nid, un réseau social où je trouverai l'amitié et un peu de support. On me dit que cela ne devrait pas être facile et c'est tout à fait possible. Je vais faire confiance et ouvrir mon cœur pour attirer de bonnes ondes et viser le meilleur.

Ce qu'il y a de plaisant dans la vie, c'est qu'on ne sait jamais qui va apparaître au croisement de la route et c'est ce qui rend la vie si intéressante. Ça vaut vraiment la peine de foncer vers l'avant, car on ne peut pas savoir d'avance ce qui nous attend. Il y a un plan bien défini pour chacun de nous sur cette terre et il faut avancer, faire des petits pas, l'un après l'autre, pour rencontrer ce qu'il y a en avant de nous.

Le plan divin, pour moi, était peut-être d'être mauvais garçon pour chan­ger et le communiquer aux autres. Ou simplement de m'expérimenter pour approfondir ma nature, ma vraie nature. Qui sait? Chose certaine, du nouveau s'en vient dans ma vie. Je me sens comme neuf, comme si la vie et toutes ses possibilités m'appartenaient. Tout à rebâtir. Cela me fait penser à un champ à l'abandon, aux herbes folles. Avec le temps, la vision change: l'herbe est tondue, une pre­mière maison apparaît, puis d'autres; le terrain se peuple de gens qui vont et viennent. Le cours de la vie est ainsi fidèle à ce qu'il est depuis le début des temps.

Par ce texte, je vous ai partagé ce que fut ma réalité au cours des deux dernières décennies. Enfin, quelque chose de différent s'en vient. Je ne sais trop quoi, ni où cela sera, mais ce que je sais, c'est que mon cœur  s'est ouvert et qu'il y a quelque chose pour moi et quelqu'un au croisement de la route.

 (Référence : Revue De Colores)