par Roger Gauthier, o.m.i.
Même si nous étions ravis par ce triomphe de notre ami, nous étions assez satisfaits de voir la foule se disperser peu à peu avant que n’interviennent les gens du Temple. Quand le calme fut revenu, des juifs venus de la Grèce pour célébrer la Pâque avaient été intrigués par cet homme extraordinaire, à l’allure royale, capable de ressusciter des morts; ils n’avaient jamais entendu parler de lui auparavant. Croyant qu’il devait être difficile d’approche, ils cherchèrent parmi son entourage quelqu’un qui pourrait leur obtenir une entrevue. Ils rencontrèrent Philippe, un homme de Bethsaïda, de Galilée, qui avait justement vu le miracle du paralytique remis sur pied par une seule parole. Ils lui dirent leur grand désir de rencontrer Jésus personnellement.
Après ce qui venait de se passer, Philippe ne savait plus comment se comporter avec Jésus : selon le protocole d’un roi ou simplement comme auparavant? Il alla consulter André qui décida d’aller, avec lui, conduire les Grecs à leur ami dont ils étaient tellement fiers. Jésus profita de cette occasion pour parler de sa vraie glorification aux gens qui se rassemblaient encore autour de lui et qui étaient dans l’euphorie de la fête.
Il en sera de lui
comme du grain de blé :
s’il ne meurt pas
quand on l’a mis en terre,
il ne sera toujours
qu’un seul grain de blé,
... mais si, au contraire,
il meurt,
il se multiplie abondamment.
Il leur dit des choses mystérieuses et en même temps presque décevantes : « Oui, elle est venue l’heure où le Messie doit être glorifié de la manière qui convient à sa mission.
Dans le projet de mon Père, celui qui s’attache à sa vie terrestre ne peut que la gâcher, mais celui qui s’en détache au jour le jour la verra se changer en Vie éternelle. Si quelqu’un veut être mon ami ou mon serviteur, qu’il se joigne à mon projet, et ce que je deviendrai il le deviendra aussi. Comme il fait pour moi, de même mon Père l’honorera ».
Tout à coup, Jésus devint angoissé comme envahi par une vision de ses prochains jours : « Maintenant mon âme est troublée, et que dirai-je? Père, sauve-moi de cette heure? Mais non, c’est précisément pour cette heure que je suis venu. Père glorifie-toi en moi ». Nous pouvions à peine le croire quand nous avons entendu le Père lui répondre dans une sorte de clameur venue du ciel : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore ». Parmi la foule qui avait entendu, des sceptiques disaient que c’était seulement le tonnerre; mais d’autres affirmaient qu’un ange avait parlé. Alors Jésus nous expliqua ce qu’il en avait compris : « Ce n’est pas pour moi que cette voix a retenti, mais bien pour vous. Ce qui s’en vient, c’est la condamnation de ce qui corrompt le monde, c’est l’anéantissement de tous les pouvoirs détenus jusqu’ici par le prince de ce monde. Cela se produira quand j’aurai été élevé à la vue de tous comme le serpent d’airain; et c’est là que j’attirerai tout le monde à moi ».
Plus tard, nous avons compris qu’il nous avait annoncé ainsi de quelle mort il allait mourir. Sur le moment, quelqu’un jugea ses dernières paroles en contradiction avec les Écritures et se permit de l’interroger : « Nous avons appris par le livre de la Loi que le Messie ne mourra jamais. Comment peux-tu dire que le Fils de l’homme sera offert à la vue de tous comme le serpent d’airain? Ce Fils de l’homme est-il différent du futur Messie? » Jésus répondit : « Je suis au milieu de vous pour peu de temps encore comme une lumière pour vous faire comprendre ce qui s’en vient. Profitez-en pour garder votre cœur ouvert à l’éclairage que je vous offre si vous ne voulez pas être envahis par toutes sortes d’idées confuses qui vous empêcheront de voir clairement où est la Vérité. Pendant que vous avez la lumière présente avec vous, faites-lui pleine confiance afin de vivre dans la lumière ».
Ces paroles nous troublèrent : nous avions l’impression de découvrir un Jésus que nous ne connaissions pas. Habituellement, il nous parlait du Royaume à partir des événements de tous les jours; mais voilà que tout à coup il nous parlait de lui, de ce qui se passait dans son cœur. On le voyait avec nous, mais on le sentait aussi ailleurs, comme dans un autre monde.
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Source des images: poignée de grains de blé: comptoir agricole; champs de blé: niffilux
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