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Prière > Apprendre à prier >Choix de textes sur la prière > L'école de prière de Benoît XVI

Choix de textes sur la prière

Textes provenant d'auteurs spirituels ou extraits de documents officiels de l'Église

Benoit XVI

Le psaume 22 (21)

Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

 

Catéchèse de Benoît XVI sur la prière
l'école de prière (*) - no 9

 

 

... SUITE, p.2

« En toi nos pères avaient confiance,
confiance, et tu les délivrais,
vers toi ils criaient, et ils échappaient,
en toi leur confiance, et ils n’avaient pas honte » (vv. 5-6)

Le peuple auquel l’orant appartient a été objet de
l’amour de Dieu et peut témoigner de sa fidélité.

Ce Dieu qui aujourd’hui apparaît si éloigné au Psalmiste, est toutefois le Seigneur miséricordieux qu’Israël a toujours connu dans son histoire. Le peuple auquel l’orant appartient a été objet de l’amour de Dieu et peut témoigner de sa fidélité. En commençant par les patriarches, puis en Egypte et pendant le long pèlerinage dans le désert, durant le séjour en terre promise au contact de populations agressives et ennemies, jusqu’à l’obscurité de l’exil, toute l’histoire biblique a été une histoire d'appels à l'aide de la part du peuple, et de réponses salvifiques de la part de Dieu. Et le Psalmiste fait référence à la foi inébranlable de ses pères qui eurent « confiance » — ce mot est répété trois fois — sans jamais être déçus. A présent toutefois, il semble que cette chaîne d’invocations confiantes et de réponses divines se soit interrompue ; la situation du Psalmiste semble nier toute l’histoire du salut, rendant encore plus douloureuse la réalité présente.

Mais Dieu ne peut pas se contredire, et voilà que la prière décrit à nouveau la situation difficile de l’orant, pour induire le Seigneur à avoir pitié et intervenir, comme il l’avait toujours fait par le passé. Le Psalmiste se définit « ver et non pas homme, risée des gens, mépris du peuple » (v. 7), il est moqué, bafoué (cf. v. 8) et blessé dans sa foi : « Il s’est remis au Seigneur, qu’il le délivre ! qu’il le libère, puisqu’il est son ami ! » (v. 9), disent-ils. Sous les coups goguenards de l’ironie et du mépris, il semble presque que le persécuté perde ses traits humains, comme le Serviteur souffrant représenté dans le Livre d’Isaïe (cf. Is 52, 14 ; 53, 2b-3). Et comme le juste opprimé du Livre de la Sagesse (cf. 2, 12-20), comme Jésus sur le Calvaire (cf. Mt 27, 39-43), le Psalmiste voit remis en question son rapport avec son Seigneur, dans l’insistance cruelle et sarcastique de ce qui le fait souffrir : le silence de Dieu, son apparente absence. Pourtant Dieu a été présent dans l’existence de l’orant à travers la proximité et une tendresse incontestables. Le Psalmiste le rappelle au Seigneur :

« C’est toi qui m’as tiré du ventre,
ma confiance près des mamelles de ma mère ;
sur toi je fus jeté au sortir des entrailles » (vv. 10-11a).

l’orant ré-évoque sa propre histoire personnelle de rapport avec le Seigneur

Le Seigneur est le Dieu de la vie, qui fait naître et accueille le nouveau-né et en prend soin avec l’affection d’un père. Et si auparavant il avait été fait mémoire de la fidélité de Dieu dans l’histoire du peuple, à présent l’orant ré-évoque sa propre histoire personnelle de rapport avec le Seigneur, en remontant au moment particulièrement significatif du début de sa vie. Et là, malgré la désolation du présent, le Psalmiste reconnaît une proximité et un amour divins si radicaux qu’il peut dès lors s’exclamer, en une confession pleine de foi et génératrice d’espérance : « Dès le ventre de ma mère, mon Dieu c’est toi » (v. 11b).

La plainte devient à présent une supplique véhémente : « Ne sois pas loin : proche est l’angoisse, point de secours ! » (v. 12). La seule proximité que le Psalmiste perçoit et qui l’effraie est celle des ennemis.

Jésus dépouillé de ses vêtements Il est donc nécessaire que Dieu se fasse proche et le secoure, parce que les ennemis entourent l’orant, ils l’encerclent, et ils sont comme de puissants taureaux, comme des lions qui sortent leurs griffes pour rugir et déchiqueter (cf. vv. 13-14). L’angoisse altère la perception du danger, en l’agrandissant. Les adversaires apparaissent invincibles, ils sont devenus des animaux féroces et très dangereux, tandis que le Psalmiste est comme un petit ver, impuissant, sans aucune défense. Mais ces images utilisées dans le Psaume servent aussi à dire que lorsque l’homme devient brutal et agresse son frère, quelque chose d’animal s’empare de lui, il semble perdre toute apparence humaine ; la violence a toujours en soi quelque chose de bestial et seule l’intervention salvifique de Dieu peut rendre l’homme à son humanité. A présent, pour le Psalmiste, objet d’une si féroce agression, il semble ne plus y avoir d’issue, et la mort commence à s’emparer de lui :

« Comme l’eau je m’écoule et tous mes os se disloquent […]
mon palais est sec comme un tesson, et ma langue collée à ma mâchoire […]
ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement. » (vv. 15.16.19).

Avec des images dramatiques, que nous retrouvons dans les récits de la passion du Christ, est décrite la désagrégation du corps du condamné, la soif insupportable qui tourmente le mourant et qui trouve un écho dans la demande de Jésus « J’ai soif » (cf. Jn 19, 28), pour arriver au geste définitif des bourreaux qui, comme les soldats sous la croix, se partagent les vêtements de la victime, considérée comme déjà morte (cf Mt 27, 35 ; Mc 15, 24 ; Lc 23, 34 ; Jn 19, 23-24).

Voilà alors, pressant, à nouveau l’appel au secours :

« Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin, ô ma force, vite à mon aide […]
Sauve-moi » (vv. 20.22a).

C’est un cri qui entrouvre les cieux, parce qu’il proclame une foi, une certitude qui va au-delà de tout doute, de toute obscurité et de toute désolation. Et la plainte se transforme, laisse la place à la louange dans l’accueil du salut :

« J’annoncerai ton nom à mes frères, en pleine assemblée je te louerai » (22c-23)

Soleil levantAinsi le Psaume s’ouvre à l’action de grâce, au grand hymne final qui implique tout le peuple, les fidèles du Seigneur, l’assemblée liturgique, les générations futures (cf. vv. 24-32). Le Seigneur est accouru à l’aide, il a sauvé le pauvre et lui a montré son visage de miséricorde. Mort et vie se sont croisées en un mystère inséparable, et la vie a triomphé, le Dieu du salut s’est montré le Seigneur incontesté, que tous les confins de la terre célébreront et devant lequel toutes les familles des peuples se prosterneront. C’est la victoire de la foi, qui peut transformer la mort en don de la vie, l’abîme de la douleur en source d’espérance.

C’est la victoire de la foi,
qui peut transformer la mort
en don de la vie, l’abîme de la douleur en source d’espérance

Très chers frères et sœurs, ce Psaume nous a conduit sur le Golgotha, au pied de la croix de Jésus, pour revivre sa passion et partager la joie féconde de la résurrection. Laissons-nous donc envahir par la lumière du mystère pascal même dans l’apparente absence de Dieu, même dans le silence de Dieu et, comme les disciples d’Emmaüs, apprenons à discerner la vraie réalité au-delà des apparences, en reconnaissant le chemin de l’exaltation précisément dans l’humiliation, et la pleine manifestation de la vie dans la mort, dans la croix. Ainsi, en plaçant toute notre confiance et notre espérance en Dieu le Père, lors de toute angoisse nous pourrons le prier nous aussi avec foi, et notre appel à l'aide se transformera en chant de louange. Merci.

______________

(*) "L'école de prière" est une série de catéchèses sur la prière donnée par Benoît XVI, en 2011-2012, dans le cadre des audiences du mercredi. Le pape y regroupe de façon systématique son enseignement sur la prière. Le présent texte est le huitième de la série. Voir la liste des catéchèses présentées lors de ces audiences.

Source du texte: site du Vatican (Le Saint Siège, Benoît XVI, Audiences, Mercredi 14 septembre 2011),
Source des images:
Jésus dépoullé, par Antonello da Messina: Weblog Toccoli; soleil levant, photo par Donatella Piccone : D'un autre côté