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Prière > Apprendre à prier > Choix de textes sur la prière > L'école de prière de Benoît XVI

Choix de textes sur la prière

Textes provenant d'auteurs spirituels ou extraits de documents officiels de l'Église

Benoit XVI

La prière de louange et de bénédiction

L'habitude d'«être avec Dieu» transforme

 

Catéchèse de Benoît XVI sur la prière dans
les lettres de St Paul
- l'école de prière (*) -33

en construction(à illustrer)

 

 

Chers frères et sœurs,

Notre prière est très souvent une demande d’aide dans les nécessités. Et c’est normal pour l’homme, parce que nous avons besoin d’aide, nous avons besoin des autres, et nous avons besoin de Dieu. Il est donc normal pour nous de demander quelque chose à Dieu, de chercher de l’aide auprès de lui ; nous devons garder présent à l’esprit que la prière que le Seigneur nous a enseignée, le « Notre Père », est une prière de demande, et par cette elle le Seigneur nous enseigne quelles sont les priorités de notre prière ; il nettoie et purifie nos désirs et ainsi nettoie et purifie notre cœur. S’il est donc normal que, dans notre prière, nous demandions quelque chose, il ne devrait pas en être exclusivement ainsi. Il y a aussi des motifs de remerciements et, si nous sommes un peu attentifs, nous voyons que nous recevons beaucoup de bonnes choses de Dieu ; il est si bon avec nous qu’il convient, qu’il est nécessaire, de dire merci. Et cela doit aussi être une prière de louange : si notre cœur est ouvert, nous voyons aussi, malgré tous les problèmes, la beauté de la création, la bonté qui se manifeste dans sa création. Nous devons donc non seulement demander, mais aussi louer et remercier : c’est seulement comme cela que notre prière est complète.

Dans ses Lettres, non seulement saint Paul parle de la prière, mais il rapporte des prières de demande bien sûr, mais aussi de louange et de bénédiction pour tout ce que Dieu a fait et continue de réaliser dans l’histoire de l’humanité.

Je voudrais aujourd’hui m’arrêter au premier chapitre de la Lettre aux Ephésiens, qui commence justement par une prière, qui est un hymne de bénédiction, l’expression de remerciements, de la joie. Saint Paul bénit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, parce qu’en lui il nous a fait « connaître le mystère de sa volonté » (Ep 1, 9). Vraiment, nous avons un motif de rendre grâce si Dieu nous fait connaître ce qui est caché : sa volonté avec nous, pour nous : « le mystère de sa volonté ».

« Mysterion », « Mystère » : c’est un mot qui revient souvent dans l’Ecriture sainte et dans la liturgie. Je ne veux pas maintenant faire de la philologie mais, dans le langage commun, cela indique ce qui ne peut pas être connu, une réalité que nous ne pouvons pas saisir par notre intelligence. L’hymne qui ouvre la Lettre aux Ephésiens nous conduit par la main vers une signification plus profonde de ce terme et de la réalité qu’il recouvre. Pour les croyants, « mystère » n’est pas tant l’inconnu que la volonté miséricordieuse de Dieu, son dessein d’amour qui, en Jésus-Christ, s’est révélé pleinement et qui nous offre la possibilité de « comprendre, avec tous les saints, ce qu'est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur » et de connaître « l'amour du Christ » (Ep 3, 18-19). Le « mystère inconnu » de Dieu est révélé : Dieu nous aime, il nous aime depuis le début, depuis l’éternité.

Arrêtons-nous donc un peu à cette prière solennelle et profonde. « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ » (Ep 1, 3). Saint Paul utilise le verbe « euloghein », qui traduit généralement le terme hébreu « barak » : il signifie louer, glorifier, remercier Dieu le Père, source des biens du salut, celui qui « nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ ».

L’apôtre remercie et loue, mais il réfléchit aussi sur les motifs qui poussent l’homme à cette louange, à ce remerciement, et il présente les éléments fondamentaux du plan divin et ses étapes. Avant tout, nous devons bénir Dieu le Père parce que, écrit saint Paul, il « nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l'amour » (v 4). Ce qui nous rend saints et immaculés, c’est la charité. Dieu nous a appelés à l’existence, à la sainteté. Et ce choix précède même la création du monde. Depuis toujours, nous faisons partie de son plan, nous sommes dans sa pensée. Avec le prophète Jérémie, nous pouvons affirmer nous aussi qu’avant d’être formés dans le sein de notre mère, il nous connaissait (cf. Jr 1, 5) ; et, nous connaissant, il nous a aimés. La vocation à la sainteté, c’est-à-dire à la communion avec Dieu, appartient au dessein éternel de ce Dieu, un dessein qui s’étend dans l’histoire et qui comprend tous les hommes et toutes les femmes du monde, parce que c’est un appel universel. Dieu n’exclut personne, son projet n’est qu’amour. Saint Jean Chrysostome affirme : « Il nous a fait saints, mais il faut rester saints. Saint est celui qui a part à la foi » (Homélie sur la Lettre aux Ephésiens, 1, 1-4).

Et saint Paul continue : Dieu nous a prédestinés, il nous a élus pour être « fils adoptifs par Jésus-Christ », pour être incorporés dans son Fils unique. L’apôtre souligne la gratuité de ce merveilleux dessein de Dieu sur l’humanité. Dieu nous choisit, non pas parce que nous sommes bons, mais parce que Lui est bon. Dans l’antiquité, on disait de la bonté : bonum est diffusivum sui ; le bien se communique, cela fait partie de l’essence du bien de se communiquer, de se diffuser. Et parce que Dieu est bonté, il est communication de bonté, il veut communiquer ; il crée parce qu’il veut nous communiquer sa bonté et nous rendre bons et saints.

Au centre de la prière de bénédiction, l’apôtre illustre la manière dont se réalise le plan du salut de notre Père dans le Christ, dans son Fils bien-aimé. Il écrit : « En lui nous trouvons la rédemption, par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce » (Ep 1, 7). Le sacrifice de la croix du Christ est l’événement unique et inégalable par lequel le Père a montré de façon lumineuse son amour pour nous, non seulement par des paroles, mais de manière concrète. Dieu est si concret et son amour est si concret qu’il entre dans l’histoire, il se fait homme pour sentir ce que c’est que de vivre dans ce monde créé, et il accepte de prendre le chemin de la souffrance de la passion et de subir la mort. L’amour de Dieu est si concret qu’il ne participe pas seulement à notre être mais à notre souffrance et à notre mort. Le sacrifice de la croix fait que nous devenons « propriété de Dieu », parce que le sang du Christ nous a rachetés de la faute, nous lave du mal, nous arrache à l’esclavage du péché et de la mort.

Saint Paul invite à considérer la profondeur de l’amour de Dieu qui transforme l’histoire, qui a transformé sa propre vie, faisant du persécuteur des chrétiens un apôtre infatigable de l’Evangile. Laissons résonner encore une fois les paroles rassurantes de la Lettre aux Romains : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?Lui qui n'a pas épargné son propre Fils mais l'a livré pour nous tous, comment avec lui ne nous accordera-t-il pas toute faveur ?… Oui, j'en ai l'assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances,ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 8, 31-32.38-39). Cette assurance – Dieu est pour nous, et aucune créature ne peut nous séparer de lui, parce que son amour est plus fort – nous devons l’inscrire dans notre être, dans notre conscience de chrétiens.

Enfin, la bénédiction divine se termine par l’allusion à l’Esprit-Saint qui a été répandu dans nos cœurs ; le Paraclet que nous avons reçu comme le sceau de la promesse, lui « qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s'est acquis, à la louange de sa gloire » (Ep 1, 14). La rédemption n’est pas encore achevée, nous le sentons bien, mais elle aura son plein achèvement quand ceux que Dieu s’est acquis seront entièrement sauvés. Nous sommes encore sur le chemin de la rédemption, dont la réalité essentielle nous est donnée par la mort et la résurrection de Jésus. Nous sommes en chemin vers la rédemption définitive, vers la pleine libération des enfants de Dieu. Et l’Esprit-Saint est la certitude que Dieu portera à son achèvement son dessein de salut, quand il ramènera « toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres » (Ep 1, 10). Saint Jean Chrysostome fait ce commentaire : « Dieu nous a élus par la foi et il a imprimé en nous le sceau de l’héritage de la gloire à venir » (Homélie sur la Lettre aux Ephésiens 1, 11-14). Nous devons accepter que le chemin de la rédemption soit aussi notre chemin, parce que Dieu veut des créatures libres, qui disent « oui » librement ; mais c’est d’abord et surtout son chemin. Nous sommes dans ses mains et maintenant il appartient à notre liberté de marcher sur la route qu’il nous a ouverte. Nous marchons sur cette route de la rédemption, avec le Christ, et nous sentons que la rédemption se réalise.

La vision que saint Paul nous présente dans cette grande prière de bénédiction nous a amenés à contempler l’action des trois personnes de la Sainte Trinité : le Père, qui nous a choisis avant la création du monde, qui a pensé à nous et nous a créés ; le Fils qui nous a rachetés par son sang et le Saint-Esprit qui est le gage de notre rédemption et de notre gloire future. Dans une prière constante, dans un rapport quotidien avec Dieu, nous apprenons nous aussi, comme saint Paul, à entrevoir toujours plus clairement les signes de ce dessein et de cette action : dans la beauté du créateur, qui apparaît dans ses créatures (cf. Ep 3, 9), comme le chante saint François d’Assise : « Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures » (FF 263).

Il est important d’être attentifs, en particulier maintenant, et pendant la période des vacances, à la beauté de la création et de voir transparaître dans cette beauté le visage de Dieu. Dans leur vie, les saints montrent de manière lumineuse ce que peut faire la puissance de Dieu dans la faiblesse de l’homme. Et il peut aussi le faire pour nous. Dans toute l’histoire du salut, où Dieu s’est fait proche de nous et attend patiemment notre heure, il comprend nos infidélités, il encourage nos efforts et nous guide.

Dans la prière, nous apprenons à voir les signes de ce dessein miséricordieux dans le cheminement de l’Eglise. Nous grandissons ainsi dans l’amour de Dieu, ouvrant la porte afin que la Sainte Trinité vienne habiter en nous, éclaire, réchauffe et guide notre existence. « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera et nous viendrons vers lui et nous ferons chez lui notre demeure» (Jn 14, 23), dit Jésus, en promettant aux disciples le don de l’Esprit-Saint qui leur enseignera toute chose. Saint Irénée a dit une fois que, dans l’Incarnation, l’Esprit-Saint s’était habitué à être dans l’homme. Dans la prière, nous devons nous habituer à être avec Dieu. C’est très important, que nous apprenions à être avec Dieu car ainsi nous voyons combien il est beau d’être avec lui, et c’est cela la rédemption.

Chers amis, quand la prière nourrit notre vie spirituelle, nous devenons capables de conserver ce que saint Paul appelle « le mystère de la foi » avec une conscience pure (cf. Tm 3, 9). La prière, qui est une « habitude » d’être avec Dieu, engendre des hommes et des femmes animés non pas par l’égoïsme, le désir de posséder, la soif du pouvoir, mais par la gratuité, le désir d’aimer, la soif de servir, c’est-à-dire animés par Dieu ; et c’est seulement ainsi que l’on peut apporter la lumière dans l’obscurité de ce monde.

Je voudrais conclure cette catéchèse par l’épilogue de la Lettre aux Romains. Avec saint Paul, nous aussi nous rendons gloire parce qu’en Jésus-Christ il nous a donné tout ce qu’il est et il nous a donné le Consolateur, l’Esprit de vérité. Paul écrit, à la fin de la Lettre aux Romains  « A Celui qui a le pouvoir de vous affermir conformément à l'Evangile que j'annonce en prêchant Jésus Christ, révélation d'un mystère enveloppé de silence aux siècles éternels,mais aujourd'hui manifesté, et par des Ecritures qui le prédisent selon l'ordre du Dieu éternel porté à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l'obéissance de la foi ;à Dieu qui seul est sage, par Jésus Christ, à lui soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen » (16, 25-27). Merci.

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(*) "L'école de prière" est une série de catéchèses sur la prière donnée par Benoît XVI, en 2011-2012, dans le cadre des audiences du mercredi. Le pape y regroupe de façon systématique son enseignement sur la prière. Le présent texte est le trente cinquième de la série. Voir la liste des catéchèses présentées lors de ces audiences.

Source du texte: Le Saint Siège, Benoît XVI, Audiences, Mercredi 20 juin 2012,
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