par Roger Gauthier, o.m.i.
Devant cette impuissance à convaincre les pharisiens de Jérusalem, Jésus nous entraîna en dehors de la ville. Nous en étions tous heureux et soulagés, car nous craignions toujours qu’un fanatique réussisse à le faire mettre en prison ou même à le tuer. Maintenant, la joie avait remplacé l’angoisse et tout en marchant, nous en profitions pour lui poser toutes sortes de questions, car ses réponses aux pharisiens restaient souvent obscures pour nous aussi. Nous sentions qu’il aimait nous répondre parce que nous désirions vraiment comprendre.
Comme toujours, il avait choisi une route passante, car il aimait bien parler avec les gens qu’il rencontrait. Un pauvre aveugle était assis sur le bord du chemin et demandait l’aumône. Jésus ne pouvait pas voir un malheureux sans s’arrêter pour converser avec lui. Et souvent il en profitait pour nous expliquer comment il voyait cette situation dans le Royaume de son Père. Selon une opinion répandue, nous croyions que les infirmités étaient la conséquence de péchés commis dans le passé. Pierre voulut savoir qui avait péché pour que cet homme naisse aveugle : lui ou ses parents?
Encore préoccupé par l’aveuglement obstiné des pharisiens, Jésus a regardé la rencontre de cet aveugle comme une occasion donnée par le Père pour nous éclairer en confirmant par un miracle sa mission de conduire le monde à la lumière. Aux gens qui s’étaient assemblés autour de nous, Jésus déclara: « Cet aveugle est sur ma route pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui! Je suis la lumière du monde. Aussi longtemps que je suis avec vous, il me faut travailler à l’accomplissement des œuvres de celui qui m’a envoyé. Tous ceux qui choisissent l’aveuglement ne peuvent rien produire pour Dieu ». Et alors, il s’approcha de l’aveugle de naissance, cracha à terre, fit de la boue avec sa salive et l’appliqua sur les yeux de l’aveugle, puis il lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » (mot qui signifie ‘Envoyé’). Quelqu’un l’y conduisit. Quand il en sortit, il voyait! Plus tard, revenu voir Jésus, il nous raconta le trouble qui suivit sa guérison. Ce fut toute une histoire pour les gens de son village et pour ceux qui l’avaient croisé depuis toujours sur la place publique où il mendiait. Les uns disaient : « C’est bien notre mendiant qui voit clair maintenant! » D’autres s’empressaient de confirmer : « C’est bien lui! » Mais des sceptiques refusaient de l’admettre : « Vous savez bien que ce n’est pas possible; il s’agit de quelqu’un qui lui ressemble ». L’aveugle, lui, répétait à tout le monde : « C’est vraiment à moi que c’est arrivé. » Chacun lui faisait raconter encore et encore comment ça s’était produit. Lui répétait toujours la même histoire : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, m’en a frotté les yeux; il m’a dit ‘Va à Siloé et lave-toi.’ C’est ce que j’ai fait et maintenant, je vois ». Mais quand ils lui demandaient où trouver cet homme-là, lui n’en savait rien, car il ne l’avait jamais vu.
Or quand Jésus a fait de la boue pour couvrir les yeux de l’aveugle, c’était jour de sabbat. Certaines personnes de la foule, obsédées par l’observance minutieuse de la Loi, exigèrent que l’aveugle aille avec eux faire juger cet événement par les pharisiens. Le pauvre homme dut recommencer encore une fois son histoire : « Il m’a appliqué de la boue sur les yeux, je me suis lavé et je vois ». Les plus fanatiques de la Loi décrétèrent que Jésus ne pouvait pas être avec Dieu puisqu’il ne respectait pas la loi du sabbat. D’autres – probablement Nicodème - restaient songeurs et restaient ouverts à la lumière: « Comment un homme en rupture avec Dieu pourrait-il produire des événements qui ne seraient attribuables qu’à Dieu? » Le bloc des pharisiens commençait à se fissurer. Les plus endurcis voulurent profiter du fait que les gens craignaient d’être expulsés de la synagogue s’ils ne suivaient pas leurs directives. Ils obligèrent donc l’aveugle à se compromettre devant eux et la foule : « Toi, que dis-tu de celui qui t’a ouvert les yeux? » Il répondit avec grande admiration : « C’est un prophète ». Déçus de son audace, ils changèrent d’avis en niant maintenant qu’il ait été aveugle et qu’il ait recouvré la vue. Et pour le confirmer, ils firent venir les parents de l’aveugle en souhaitant que la crainte d’une expulsion les fasse se rallier à leur opinion. En effet, ils avaient déjà annoncé que serait exclus de la synagogue quiconque affirmerait que Jésus est le Messie. Ils posèrent donc cette question aux parents : « Cet homme est-il bien votre fils dont vous prétendez qu’il est né aveugle? Alors, comment voit-il maintenant? » Les parents furent catégoriques : « Nous sommes certains que c’est bien notre fils et qu’il est né aveugle ». Mais ils refusèrent de se compromettre sur le reste de l’histoire : « Comment il voit maintenant, nous l’ignorons. Qui lui a ouvert les yeux? Nous l’ignorons. Interrogez-le; il est assez grand; qu’il s’explique lui-même à ce sujet! »
Les pharisiens ne voulurent pas capituler, révélant ainsi la profondeur de leur aveuglement. Ils appelèrent de nouveau l’aveugle et lui affirmèrent leur décision comme une bonne nouvelle : « Rends gloire à Dieu! Nous savons, nous, que cet homme que tu appelles Jésus est un pécheur ». Lui leur répondit : « Je ne sais pas si c’est un pécheur; je ne sais qu’une chose : j’étais aveugle et maintenant, je vois ». Espérant toujours trouver une faille dans son histoire, ils lui demandèrent de la raconter encore une fois : « Que t’a-t-il fait? Comment t’a-t-il ouvert les yeux ». Cette fois, c’était trop : l’aveugle leur montra le ridicule de leurs comportements et les piqua au vif: « Je vous l’ai déjà raconté, mais vous n’avez pas écouté! Pourquoi voulez-vous l’entendre encore une fois? N’auriez-vous pas le désir de devenir ses disciples, vous aussi? » À ce moment, les pharisiens changèrent encore une fois de tactique et se mirent à l’injurier : « Toi, tu es son disciple! Nous, nous sommes disciples de Moïse. Nous savons que Dieu a parlé par Moïse tandis que celui-ci, nous ne savons pas d’où il est! »
N'auriez-vous pas le désir
de devenir ses disciples,
vous aussi?
Si cet homme
n'était pas Dieu,
il ne pourrait rien faire.
L’aveugle se tint droit devant eux et les interpella, comme Jésus avait déjà fait : « C’est bien étonnant de vous entendre dire que vous ne savez pas d’où il est alors qu’il m’a ouvert les yeux! Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs; mais si un homme est plein de piété et fait sa volonté, Dieu l’exauce. Jamais on n’a entendu dire que quelqu’un, avec son seul pouvoir humain, ait ouvert les yeux d’un aveugle de naissance. Si cet homme n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire »
Incapables de répondre avec intelligence, ils ripostèrent en l’insultant : « Tu n’es que péché depuis ta naissance et tu viens nous faire la leçon! » Et ils l’expulsèrent hors de la synagogue.
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